▲ Les Jolies Plumes : Je suis Elya et j’ai vécu enfermée.

Je me suis toujours demandée qui j’étais. C’est étrange comme question. Qui suis-je ? Et pourtant, savez vous répondre à cette simple et courte question ? La plupart d’entre vous me répondront que oui, ils savent et me diront naturellement leur prénom, la première marque de l’identité, leur nom de famille, preuve qu’ils sont issus de quelqu’un, leur âge sûrement et peut-être un peu leurs loisirs et leurs goûts. Ce sont les informations principales et j’en sais quelques unes moi aussi : je m’appelle Elya, je devais avoir 17 ans et je vivais dans une grande ville je crois. A entendre le bruit des voitures, je dirais que je ne suis pas loin d’une avenue ou d’un boulevard…

Qui suis-je ?

Mais ce qui m’intéresse ce n’est pas votre identité comme elle est décrite sur votre carte ou votre passeport. Je vous parle de ce que vous êtes, et non pas ce qui vous défini. Qu’est-ce qui vous anime ? Vos rêves, vos désirs, vos envies… Qu’est ce que vous ressentez au fond de vous ? Question plus difficile non ?

Décor de mariage lavande
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Pendant très longtemps, je ne savais pas qui j’étais. Je pouvais définir mon identité sur ces affirmations : je suis Elya, je vis dans une chambre, près d’une grande ville et je n’aime pas la lavande. Je ne connaissais que la pièce dans laquelle je « vivais ». Difficile de faire mieux donc. Je peux vous dire qu’il y avait un lit, avec des draps blancs si je me souviens bien, ou peut-être étaient ils rose… Je me rappelle surtout de leur odeur : une drôle de combinaison de tabac et de lavande.  La lavande… Toute la chambre en était imprégnée.

A côté de ce lit se trouvait une petite table de chevet avec pour seuls objets des bouquets de lavande, une lampe qui diffusait une lumière lugubre le soir venu et un réveil qui s’était arrêté depuis longtemps sur 02h17. J’avais aussi une armoire, et elle ne contenait pas grand-chose : deux chemises de nuits identiques, blanches, en coton, avec des fleurs violettes sur les manches, des boutons à pressions sur le devant en nacre pour les fermer. Le grand luxe.

Pour ce que j’aime, je n’avais pas vraiment de réponse. En réalité, je ne m’occupais pas beaucoup dans la journée. J’avais seulement un cahier et un stylo. J’écrivais. J’écrivais tout le jour et j’aimais écrire. J’imaginais ce qu’il y avait dehors, derrière cette porte en bois. Elle aussi elle avait un air lugubre : les gonds étaient noircis par le temps, le bois était sombre et la porte grinçait à chaque fois qu’elle s’ouvrait Une fois, j’ai déplacé la table de chevet pour la mettre sous la fenêtre. J’ai grimpé dessus avec maladresse et j’ai réussi à entrevoir des toits d’immeubles avec quelques plantes qui dépassaient ça et là. Je priais aussi. J’ai lu la Bible, et je ne saurais pas te dire combien de fois. Etant mon seul livre, je le connais par coeur, mais je ne sais pas si je peux dire que j’aimais ça.

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Le soir venu, la lumière se faisait de plus en plus rare dans la chambre. Lorsque le soleil se couchait, j’entendais toquer trois fois à la porte. Elle entrait doucement dans la pièce et venait me mettre au lit, avec un calme impassible. Son regard ne trahissait aucune tristesse, aucune compassion comme si elle s’était habituée à venir chaque soir me « border ». C’est aussi elle qui m’apportait les repas dans la journée : du pain, de la purée, très peu de viande et du fromage blanc. Lorsqu’elle poussait la porte, je savais machinalement comment me placer dans mon lit : sur le dos, les jambes bien écartées pour qu’elles puissent s’attacher un deux petites lanières en cuir. Pour les mains, les attaches plus solides traduisaient d’un renforcement de la sécurité. Ne pas bouger. Et je devais regarder le plafond. Ca aussi c’était important.

Elle partait. Quelques minutes. Ils venaient. Quelques minutes. Ils faisaient ce qu’ils avaient à faire. Quelques minutes. Et ils repartaient.

Difficile de savoir qui je suis dans ces moments-là. Cela a duré encore cinq ans. Cinq longues années où mon quotidien se résumait à ça. C’est seulement à 23 ans, que je me suis sentie libérée. Cela faisait deux jours que l’homme n’était pas venu. Ce soir là, le soir du troisième jour, une jeune femme entra dans la chambre. Elle était belle… Une longue natte blonde lui descendait dans le dos, elle avait les mains sur la bouche et son visage exprimait une profonde tristesse. Lorsque nos regards se sont croisés, j’étais assise sur mon lit et elle a pleuré. Elle a couru vers moi pour me serrer dans ses bras, suivi de deux autres hommes en uniforme bleu.

« Tu vas commencer à vivre désormais. » me dit-elle pendant qu’elle me serrait plus que de raison.

Je n’avais pas très bien compris ce qu’il m’arrivait à cette époque. Aujourd’hui, deux ans après ma libération, je sais ce qu’elle voulait me dire. Ce n’était pas bien ce qu’il se passait dans cette chambre. L’homme du soir était mon géniteur, et la femme du jour, ma génitrice. Vous comprendrez que c’est assez difficile pour moi d’appeler ça des « parents ». Le docteur Grace, la femme à la natte, m’a expliquée. Ma génitrice avait honte de moi. Je suis un enfant non désiré, et pire… Je suis l’enfant d’un viol, violé à son tour. Violée par dégout, par honte, par punition…

Et maintenant où j’en suis. Nous essayons avec le docteur de construire mon identité. Me construire avec des bases instables et malsaines, triste paradoxe non ?  Nous cherchons ce que j’aime, nous partons à la découverte de lieux que je n’avais jamais vu auparavant, nous écoutons de la musique, je lis de nouveaux livres… Mais le plus gros du travail consiste à mettre des mots sur mes sentiments et à en comprendre le sens. C’est pourquoi je continue d’écrire mon histoire, plus que je ne la parle.

Qui suis-je ?

Je suis Elya. J’ai 25 ans. J’apprends à me construire une identité.

J’aime tremper mes frites dans la sauce américaine, j’aime écouter Jane Birkin en boucle, j’adore rire avec les autres patients.

Et je déteste la lavande.

Tout d’abord, Merci. Merci pour l’accueil chaleureux que vous m’avez réservée lors de la publication du dernier article. Vraiment, je ne m’attendais pas à ce que vous soyez toujours là, que ce soit sur le blog ou sur les réseaux sociaux. J’ai été tellement touchée par vos petits mots, vos gentils commentaires… #tropdelove. C’est donc normal que je vous dise merci encore une fois. Merci de me donner le gout de continuer à écrire et partager avec vous. J’ai même versé une petite larme ! Je suis beaucoup trop émotive.

En parlant de passion d’écriture, voici ma participation à l’atelier d’écriture virtuelle Les Jolies Plumes. Chaque mois, nous nous retrouvons pour écrire sur un thème, le but étant de partager aussi avec les autres participantes. Pour nous rejoindre, un petit mail à latelierdesjoliesplumes[at]gmail[point]com. Le thème de ce mois ci était :

Quête d’identité – Votre personnage va vivre une expérience qui va révéler un aspect de sa personnalité, de son identité qu’il ne connaissait pas lui-même. Quelle est cette expérience ? La vivra-t-il seul, accompagné ? Que va-t-elle changer dans sa vie ?

J’ai beaucoup hésité avant de publier ce texte… Je l’ai fait lire au moins deux cinq fois au Mâle et je lui ai posé pleins de questions pour savoir si ce n’était pas un peu « trop », un peu glauque… Bonjour je suis une psychopate ! J’espère que je ne vous ai pas fait trop peur, je ne cesse d’appréhender vos réactions, surtout pour ce genre d’article où je j’écris avec mon coeur. Finalement je crois que le principal dans ce texte c’est l’ambiance dans laquelle Elya a vécu, et ce qu’elle cherche à faire, à retrouver. Est-ce que le thème est respecté ? Je ne sais pas, pas vraiment, un peu..

Vous pourrez retrouver à la suite de cet article les autres participations. Mes préférées seront marquées d’un  !

M comme Marianne – Whitebird ♡ – Laissez moi vous quitter – Fil Culturel – A la recherche du passé Hello It’s Alex  – ▲ – Enfer – Songe d’une nuit – ▲ –

Au revoir vous…

Sans titre

 


Pour boire un coup ensemble c’est par ici !

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17 commentaires

  1. J’aime beaucoup ! Même le côté « glauque » (sincèrement c’est pas si glauque que ça, j’ai déjà lu bien pire) ^^’ en fait j’aime pas les trucs où tout est bien qui finit bien, tout ça… donc j’aime beaucoup ton texte 🙂

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  2. Je te tire mon chapeau. Ecrire un texte comme celui-là n’est pas facile et tu pratique l’exercice avec beaucoup d’élégance. Nous ne sommes pas tombé-es dans le pathétique, le texte est émouvant. J’aime ton personnage fort et sensible mais avec une volonté de vivre inébranlable. Mignardises

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  3. Tu as une très jolie plume. Beau texte sur un sujet terriblement douloureux. Pour l’ambiance, chapeau, c’est très réussi. Tu as su donner vie à ton personnage d’une façon remarquable.

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